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Le parcours de Maël, âgé de neuf ans.

Maël est né un soir de tempête bretonne. Un accouchement prématuré de quatre semaines, le 2 janvier 1998. Un magnifique enfant de quatre kilos et 52 cm, étonnamment grand pour le terme de la grossesse, un visage d’ange. Le plus facile de mes accouchements ! Maternité très calme, sages femmes disponibles… un rêve !

C’était un nourrisson charmant, bien que ses nuits soient un peu courtes, nous avions déjà connu cela avec son frère aîné, ce n’était donc pas un souci. À trois semaines, alors que je le recouchais dans son couffin après qu’il aie pris son bain, il me fit le plus beau des sourires en me regardant droit dans les yeux. Il mangeait bien, grandissait bien.

Vers huit mois, Maël ne gazouillait pas, ou très peu, mais restait attentif, souriant, adorable. Il n’avait aucun retard dans sa motricité, restait bien assis, adorait que l’on joue avec lui, riait aux éclats. Mais ses nuits étaient cependant très difficiles. Maël dormait peu, se réveillait très souvent. Il fit ses premiers pas à 13 mois, après un mois de quatre pattes. Il commençait à mimer de petites chansons accompagnées de gestes. Mais Maël ne parlait toujours pas, et surtout, ne répondait  pas à l’appel de son nom. Ma mère me disait : Tu verras, dans quelques temps tu espèreras qu’il se taise ! … Il restait néanmoins un bambin souriant, nous regardant bien dans les yeux, et à part le langage et les nuits agitées, rien, à cette époque là, ne laissait présager de ce qui allait suivre.

Vers 16 mois, Maël se mit à devenir coléreux. Il se jetait en arrière violemment, se mit à me mordre, à me taper dès que je le contrariais. J’en parlais autour de moi… J’eus pour toute réponse : C’est l’âge, ça va passer. La pédiatre de l’époque (qui suivait les enfants depuis la naissance de notre premier bébé, deux ans plus tôt) pensait que c’était parce que j’étais trop gentille avec lui, que je cédais à tout ses caprices. Mais moi, je voyais bien que quelque chose clochait. Peu à peu, il se mit à fuir notre regard. Il ne voulait plus de mes câlins, n’aimait pas être touché… En quelques mois, il se mura complètement, nous devînmes transparents. Maël n’était attiré que par ce qui tournait et avait de terribles peurs, inexplicables à nos yeux (d’ailleurs, les premières petites phrases qu’il ait fait à cette époque, vers deux ans étaient Ça tourne et A pas peur). Il avait terriblement changé. Il se jetait la tête la première dans les murs, se mordait. Je lui parlais à l’oreille, il ne me regardait même pas. Ses nuits étaient devenues terriblement agitées. Il s’endormait à minuit, se réveillait à deux heures, jusqu’à cinq heures du matin…

Il devint très sélectif au niveau de la nourriture, avec une nette préférence pour tout ce qui est mou. Parallèlement, il développa une grande passion pour l’informatique, qui ne l’a pas quitté d’ailleurs.

À deux ans et demi, Maël découvrit l’ordi. L’ordinateur est, dans notre famille, un objet aussi utilisé qu’une fourchette ou une voiture, c’est quelque chose de tout à fait banal. Nous en avons plusieurs en réseau. Maël fut tout de suite fasciné par ce qui se passait sur l’écran, et par l’interaction possible entre lui et la machine. Il emprunta très rapidement les CD de son grand frère, essentiellement les jeux éducatifs, qu’il refaisait, encore et encore, jusqu’à une réussite totale. Maël déteste l’échec. L’avantage, avec l’ordinateur, c’est qu’il peut recommencer dix fois, vingt fois la même opération sans exaspérer son interlocuteur. C’est grâce à l’ordinateur que Maël recommença à échanger avec nous. Il avait tellement envie de savoir certaines choses, il fallait bien nous le demander ! Il allait partout sur l’ordinateur. Il voulait tout savoir, tout comprendre. Il changeait les fonds d’écran, nous installait des trucs bizarres … C’est ainsi qu’il appris à lire seul, vers trois ans, qu’il commença à s’intéresser à l’astronomie, aux sciences (il est toujours curieux de savoir comment ça marche) … Nous avons toujours eu cette impression avec son papa, que Maël pouvait apprendre n’importe quoi à partir du moment où cela passait par l’ordi, y compris les codes sociaux.

Lorsqu’il eut trois ans, commença notre pèlerinage diagnostic. La pédiatre nous assura qu’il fallait le laisser pleurer la nuit… Après trois nuits de hurlements, nous avons abandonné… J’ai encore des regrets vis à vis de ces trois nuits. Nous sommes allés consulter dans un centre pour la surdité : étrange, il réagissait au bruit mais pas à la voix ! Il n’était pas sourd. Alors, cette pédiatre continua sa calamiteuse entreprise, et nous orienta vers le pire : le CAMPS. Tout cela avec les meilleures intentions du monde, bien évidemment !

Au CAMPS, nous avons vu plusieurs pédopsychiatres, tous plus incompétents les uns que les autres. L’une nous dit qu’il n’avait rien, qu’à six ans cela serait arrangé ! Le chef de service lâcha le grand mot : dysharmonie évolutive. Premier diagnostic. Si on peut appeler ça un diagnostic. Maël avait trois ans. Le soir même, je cherchais fébrilement grâce à  un moteur de recherche ce que pouvait bien signifier ce terme ! Immédiatement, je suis tombée sur le site d’Autisme France, et dès que je vis les dessins expliquant l’autisme, j’ai su. Dans la seconde. Mon fils, mon adorable petit garçon était autiste. Pour toute sa vie. Je suis entrée en larmes dans la chambre et j’ai réveillé le papa de Maël. Pourquoi ne m’avait-on rien dit au CAMPS ? Pourquoi m’avait-on fait porter cette chape de culpabilité, en me disant que Maël était comme cela parce que je ne l’avais pas assez regardé quand il était bébé ? Pourquoi tant d’ignorance de la part de professionnels, qui, en six mois, n’avaient pas été capables de me dire ce que j’avais compris en deux minutes ?

Je demandai conseil, et suis allée consulter avec Maël à Nantes, un pédopsychiatre qui connaissait bien l’autisme… pour lui, Maël n’était pas autiste, mais surdoué et hyperactif…

Je décidai très rapidement de faire face, surtout après la lecture de l’excellent texte du Dr G. Macé. Je demandai au CAMPS comment prendre rendez-vous auprès du Centre Interrégional d’Études et de Ressources pour l’Autisme de Brest (CIERA), afin de voir confirmer ou infirmer ce diagnostic d’autisme. La réponse de l’éducateur fusa : Vous n’allez quand même pas allez voir ces gens qui collent des étiquettes sur les enfants et qui, comme les américains, mettent des enfants dans des box ! (maintenant, cette phrase me fait presque rire…). N’en faisant qu’à ma tête, j’entrepris d’obtenir un rendez-vous. Un pédopsychiatre, à Brest, nous a reçus très chaleureusement. Il a commencé par me dire que cela n’était absolument pas de ma faute, que l’autisme était un trouble neuro-développemental qui n’avait rien de psychologique. Onze mois plus tard, à tout juste quatre ans, Maël eu son premier diagnostic d’autisme de posé. Autisme de haut niveau, c’est à dire sans déficience intellectuelle.

Nous avons également rencontré en consultation un grand spécialiste de l’autisme de haut niveau et du syndrome d’Asperger à Montréal, au Québec, qui partagea l’avis de notre pédopsychiatre quant au diagnostic de Maël.

Depuis, nous sommes venus nous installer à Brest. Nous avons retiré Maël de l’emprise néfaste de l’hôpital de jour sans aucun regret. Maël est scolarisé à plein temps. Ce n’est pas facile tous les jours, mais il progresse vite ! Il a une AVS à mi-temps, le pédopsychiatre de Brest nous a beaucoup aidé dans toutes nos démarches. Il parle, il sait lire depuis qu’il a trois ans, adore la musique classique et tous les instruments. Il s’intéresse à tout, voudrait tout savoir, me serre dans ses bras et me dit Je t’aime maman, tu es mon vrai copain… Il a tellement changé !

Il est suivi en libéral, deux heures d’orthophonie par semaine et une de psychomotricité, et toujours par notre pédopsychiatre, qui se déplace même à l’école si besoin est. Maël a l’air heureux …


Pour conclure ce témoignage, je vais tenir des propos qui vont peut être surprendre, mais pour moi ils sont essentiels (et ils n’engagent que moi) :

Je n’ai jamais été catastrophée par l’autisme de Maël.

Je n’aime pas mon fils malgré son autisme, mais avec son autisme. C’est lui, c’est sa personnalité, s’il était autre ce ne serait plus mon enfant. Je ne souhaite pas qu’il soit autre, il est gentil, drôle, intelligent, pourquoi souhaiterais-je qu’il change ? Il me ravit, il m’épate et me surprend chaque jour.

En revanche, j’en veux à la société de ne pas être plus ouverte à la différence. Pour moi, la différence est évidemment une source inépuisable de richesse, de tolérance … (points de suspension songeurs …)


Été 2006

Maël a maintenant 8 ans et demi, il est scolarisé à plein temps en classe de CE2, accompagné à mi-temps d’une AVS. Il a toujours des difficultés en graphisme, notamment à cause de ses problèmes sensoriels (par exemple, il ne supporte pas le bruit du frottement de sa main sur le papier) et travaille souvent avec un clavier d’ordinateur. Il est toujours suivi en orthophonie.

Nous avons déménagé, il y a eu beaucoup de changements dans nos vies mais il les a bien acceptés. Il est passionné d’astronomie, de physique et d’illusions d’optique. Passionné, le mot est faible … Il a des dizaines de livres d’astronomie avec lesquels il s’endort, consulte des sites internet, parle du Big Bang, des nébuleuses, se pose des questions sur les lois de Képler, apprend la Théorie de la Relativité … Il rêve de rencontrer des personnes partageant ses centres d’intérêts.

Il est de plus en plus dans l’échange, mais aime être seul et faire ce qu’il aime. Il joue davantage avec les autres enfants, surtout avec son petit frère, et est même à l’initiative de jeux tels que cache-cache, ou des jeux de faire semblant.

Cependant, les nuits sont encore assez difficiles car il reste très angoissé. Mais comme il dit davantage ce qui ne va pas, il est plus facile de le rassurer.

Je me pose toujours beaucoup de questions (sans réponses) quant à son avenir … Cependant, tous les progrès qu’il a effectués dans la sphère sociale ces dernières années sont très encourageants.

Emmanuelle, maman de Maël.




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